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Dialoguer autour des risques

Ce sous-traitant automobile fait partie d'un groupe leader mondial. Il doit augmenter ses parts de marchés et ses gains de productivité. Mais en même temps, les contraintes des conditions de production nouvelles ont des effets sur la santé des salariés. Il choisit d'intégrer, au cœur même de son organisation, une démarche globale de prévention des risques professionnels.

Cette entreprise du secteur automobile conçoit et développe des produits et des systèmes de sécurité ; elle est le plus gros employeur du bassin d'emploi dans son territoire d'implantation. Depuis sa récente fusion avec un partenaire américain, le groupe est devenu leader mondial. Le site de production centralise l'ensemble des fonctions à l'exception du service commercial et compte environ 1200 personnes (intérim compris) réparties sur différentes activités. La production est organisée en UAP (unité autonome de production) qui rassemblent en leur sein des lignes de production liées à un produit, ainsi que les fonctions annexes.

La demande

En trois ans, l'entreprise a connu une période de croissance soutenue au niveau de son activité et en matière d'embauches, avec une forte augmentation du recours à l'intérim (100 % entre 1997 et 1998). Le climat social va évoluer et des tensions sont apparues au niveau du CHSCT, notamment à cause d'une dégradation des conditions de travail.
L'entreprise sollicite l'ARACT sur la gestion des restrictions d'aptitude liées à l'apparition de troubles musculosquelettiques (TMS) et de lombalgies, et sur l'intégration de l'ergonomie au plus tôt dans la conception des produits et des process.

La démarche

Durant la période de croissance et face aux exigences du marché, l'entreprise s'inscrit dans une politique générale d'adaptation de l'organisation de la production (flux tendu, nouveaux produits, implantation de nouvelles lignes, modification, déplacement, aménagement...) dans les différentes Unités Autonomes de Production (UAP). Les difficultés pour appréhender la portée de ces changements et l'évaluation des effets sur les conditions de travail se cristallisent au sein du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), autour d'un point principal, la question de la suppression des postes assis.
Le diagnostic court mené par l'ARACT Haute-Normandie a permis de rendre visibles les facteurs de risques, au-delà de l'identification des sollicitations biomécaniques, par un questionnement sur les déterminants suivants : cadence et répétitivité, flexibilité du système de travail, changement de lignes, rythme de travail, conception des situations de travail (lignes et postes), conception des produits et des équipements. De même, plusieurs axes de travail sont proposés à l'entreprise :

  • mieux connaître et gérer la santé de la population au travail en caractérisant les problèmes de santé grâce à une enquête avec le CHSCT et la médecine du travail
  • gérer et traiter les restrictions médicales au travers de la constitution d'une base de données, du développement de circuits d'information reliant médecin/infirmière /RH/assistante sociale, et assurer le suivi de la population
  • travailler sur la conception produit et process par la capitalisation et la formalisation de l'expérience
  • former à l'approche ergonomique, réfléchir sur des méthodes de conception en fonction du chantier
  • prendre en compte les conditions de réalisation du travail dans la conception de ligne au travers de l'expérimentation, l'analyse de l'existant, et l'enrichissement du cahier des charges...

Très rapidement, l'entreprise engage une série d'actions et affiche la volonté de structurer une politique globale autour des questions relatives à la santé et aux conditions de travail en intégrant le CHSCT. La dynamique des groupes de travail met en lumière plusieurs points :

  • les échanges au sein du groupe permettent de connaître le travail des uns et des autres, de partager une représentation commune du travail qui facilitera la mise en œuvre de relations de coopération
  • les méthodes de travail utilisées pour la prise d'informations (entretiens, observations, films) auprès des opérateurs vont interpeller l'encadrement sur leurs pratiques d'animation de chantier, de conduite de projet, d'écoute
  • l'apport théorique et sa mise en pratique vont aider à interroger la conception produit et process, notamment en dépassant l'application stricte de la norme ergonomique vers l'intégration et la prise en compte de la variabilité humaine.

Ainsi, à partir d'une démarche de prévention des TMS, les actions engagées au sein de l'entreprise vont vite avoir un effet plus diffus sur son fonctionnement global, surtout sur l'un des principaux vecteurs du développement du site : la démarche KAIZEN. Le CHSCT également a évolué au niveau des relations entre direction et représentants des salariés, de ses missions, et de son positionnement dans la politique de santé au travail. Cette évolution vers un CHSCT acteur de la prévention et responsable de projet a posé quelques interrogations au niveau des membres élus sur les moyens en temps, les compétences nécessaires pour la conduite de projet et enfin la responsabilité vis-à-vis des salariés de l'entreprise.

Le bilan

Pour les acteurs de l'entreprise, la fin de la formation-action est considérée comme un point de départ. Il s'agit d'assurer désormais, sans appui extérieur, le transfert et la démultiplication des apprentissages réalisés durant cette démarche. L'entreprise s'inscrit aujourd'hui dans la mise en œuvre d'une politique de santé au travail basée sur l'équilibre productivité-qualité-santé. La conduite de projet est organisée autour de quatre axes de travail avec 1 chef de projet par axe et le CHSCT :

  • la consolidation du pôle RH par l'intégration d'une politique de santé au travail
  • le renforcement du CHSCT dans ses prérogatives et en tant qu'animateur du dialogue sur la santé au travail
  • l'amélioration des relations au sein du CHSCT, ainsi que celle du dialogue social
  • la construction de relations partenariales entre responsables opérationnels et CHSCT
  • la prise en compte des conditions de réalisation du travail en amont de la conception.

Et, au-delà de la question des TMS, l'entreprise s'est donné les moyens de passer d'une logique curative des risques à une logique préventive d'analyse des situations de travail à risque en lien avec la santé au travail. Elle s'est dotée d'un espace de construction partagée de la prescription.

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