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Les auteurs de l’étude sur la gestion des parcours professionnels témoignent

Plusieurs mois après sa diffusion, les auteurs de l’étude « Les parcours professionnels, des leviers pour agir efficacement sur la santé au travail – État des lieux des pratiques en Normandie » témoignent. Venez comprendre leurs motivations à réaliser cette étude et les enseignements tirés des différentes rencontres.

Visuel - auteurs parcours pro

Après avoir rédigé l'étude sur "Les parcours professionnels, des leviers pour agir efficacement sur la santé au travail – Etat des lieux des pratiques en Normandie" les acteurs : Florent Dubus, Séverine Lesueur et Eric Peltier nous partagent leur expérience dans le cadre de ces recherches. Retour sur l'interview...

Visuel - Question 1

F.D : « Au gré des interventions de l'Aract Normandie, il est apparu que le phénomène de désinsertion professionnelle, auquel de nombreux salariés sont exposés, trouvait ses origines dans de nombreuses dimensions. Ce phénomène demeure complexe à appréhender pour les employeurs et les partenaires sociaux car il interroge à la fois :

  • L'évolution des compétences des salariés ;
  • Les politiques Ressources Humaines ;
  • Les politiques de prévention des risques professionnels ;
  • La capacité de l'entreprise à s'adapter ;
  • Les évènements de la vie de ses collaborateurs ou encore le maillage des acteurs en capacité d'agir sur ces questions…

Cette étude, à vocation exploratoire, se propose donc de situer le débat sociétal relatif à la désinsertion professionnelle dans une perspective plus large en mettant en lumière les impacts du travail accomplis par les salariés et ses conditions de réalisation, au-delà des sujets plus visibles que sont les changements de postes ou de métier. »

E.P : « Nous avons réalisé cette étude car nous sommes persuadés depuis longtemps que l'amélioration des conditions de travail et a fortiori la prévention de l'usure professionnelle et de la désinsertion professionnelle, ne sont pas qu'une question d'aménagement de postes de travail. D'une part car on sait bien que l'usure physique n'est pas affaire que de contraintes biomécaniques. En effet, il est reconnu maintenant que les TMS sont bien des pathologies multifactorielles qui renvoient en grande partie à l'organisation du travail et que les postes dits "ergonomiques" n'y font rien ou trop peu pour s'assurer de protéger les salariés d'un risque pour leur santé à plus ou moins long terme. D'autre part, l'usure professionnelle est aussi, voire souvent liée à des contraintes psychiques, mentales pour lesquelles un aménagement physique du poste de travail n'apportera pas de solution adaptée. Enfin, force est de constater que certains postes de travail ne peuvent pas être aménagés, ni automatisés et exposeront les salariés qui les occupent à une certaine forme de pénibilité.

Voilà pourquoi le réseau Anact-Aract défend un élargissement du champ des possibles en termes de solutions à apporter pour prévenir l'usure professionnelle et les risques de désinsertion professionnelle en explorant la piste de parcours professionnels. Il nous a cependant semblé utile de montrer que si le parcours était un levier de prévention, ils pouvaient aussi être un objet d'étude pour mieux comprendre le déclenchement (ou non) du processus de désinsertion professionnelle. Existe-t-il des parcours qui exposent et d'autres qui protègent ? Ces parcours sont-ils le fruit d'une réflexion RH des entreprises ? Ou, au contraire, l'absence de stratégie RH est-elle la cause d'une partie des problèmes de santé, d'absentéisme et au final de performance des organisations ?

Nous avons la chance d'accompagner de nombreuses entreprises de tous secteurs d'activité et avons donc décidé de mener cette étude pour essayer de comprendre ces phénomènes et de les caractériser au mieux afin d'en tirer les enseignements qui sont présentés ici dans cette étude. »

Visuel - Question 2

F.D : « Cette étude permet de mettre en évidence trois parcours professionnels types qui dépendent à la fois des salariés concernés mais également des politiques mises en œuvre dans les entreprises : prise en compte de l'usure professionnelle, prévention de la pénibilité et des risques, engagement des directions et de l'encadrement de proximité mais également d'autres acteurs relais internes et externes à l'entreprise.

De nombreux salariés de l'échantillon semblent devoir conjuguer avec différentes contraintes et ressources qui les poussent vers la désinsertion professionnelle ou permettent d'y faire face. Peu d'entre eux semblent disposer de toutes les ressources qui permettraient de se protéger voire d'inverser le processus. Pour éviter l'usure prématurée liée au travail, il apparait que rendre le salarié, seul, acteur de son parcours n'est pas une condition suffisante. Chaque entreprise va devoir également se saisir de ce sujet pour obtenir une amélioration significative. »

E.P : « Cet état des lieux nous a aussi permis de mettre en lumière l'impact des évènements, qu'ils soient de nature professionnelle ou personnelle, sur les parcours professionnels et l'importance de la prise en compte de ces évènements pour limiter cet impact.

Autre fait important que l'on avait déjà pu constater et qui ont fait l'objet d'écrits par le passé dans le domaine de l'ergonomie ou de la sociologie mais peu nombreux et peu pris en compte dans les entreprises : L'évolution des conditions de travail à l'intérieur d'un même poste constitue un parcours ! Le parcours travail. Nous avons voulu rendre visible cette réalité car c'est l'invisibilité de certains phénomènes qui empêche l'action. Je pense que notre rôle est de rendre visible l'invisible pour aider les acteurs à mieux comprendre les déterminants de l'usure professionnelle et par là-même élargir le champ des possibles en termes de leviers d'action.

De plus, les entretiens réalisés dans le cadre de cette étude nous a permis de mettre en lumière le fait que les parcours professionnels sont rarement linéaires et qu'ils sont composés d'une succession de "segments" de parcours parfois construits, subis... et qu'ils sont très dépendants de facteurs sur lesquels l'entreprise et les acteurs de l'entreprise (du salarié à la direction en passant par le service RH, l'encadrement de proximité, les IRP, Médecin du Travail...) ont des moyens d'action. A condition qu'ils prennent conscience des éléments qui sont en jeu dans le processus. »

Visuel - Question 3

F.D : « A l'heure où les négociations sur la "gestion des emplois et des parcours professionnels et sur la mixité des métiers" visent à élargir l'approche Emploi-Compétences, cette étude permet une interrogation fine sur les évolutions du contenu même du travail et ses conditions de réalisation. La recherche d'une rencontre entre les intérêts et attentes de l'organisation et des collaborateurs semble être un levier non négligeable sur lequel les acteurs du dialogue social pourront s'appuyer pour agir et éviter les situations de rupture.

D'autres travaux permettront d'approfondir ces hypothèses mais il semble que les entreprises qui s'engageront sur cette voie seront les mieux outillées pour répondre à la fois à leurs obligations et cultiver leurs richesses humaines. »

E.P « Comme évoqué précédemment, nous étions intimement persuadés que les conditions de travail n'étaient pas qu'une question renvoyant d'aménagement de postes et nous poussions déjà les entreprises à explorer la piste des parcours professionnels en tant que solution pour sortir certains salariés de la pénibilité intrinsèque de certaines tâches pour lesquelles des solutions étaient difficiles à trouver.

Il nous semble que la question des parcours est aussi à poser dans le cadre du diagnostic des déterminants de l'usure professionnelle car si le parcours peut être une solution, il peut aussi être la cause de l'enclenchement du processus de désinsertion. Cela doit nous inciter à continuer nos démarches en lien avec les acteurs RH des entreprises et à poser la question de la stratégie RH des entreprises. Plus le diagnostic sera complet et plus les solutions seront pertinentes et pérennes. »

S.L : « Cette étude démontre que l'entreprise joue un rôle prégnant dans la gestion du parcours professionnel. Le parcours professionnel reste une rencontre singulière entre l'individu et l'entreprise au sens large.

Charge à l'entreprise et à l'ensemble de ses acteurs (c'est l'affaire de tous) d'avoir une attention particulière quant aux aspirations professionnelles de ses salariés. Cette vigilance est d'autant plus importante au regard de l’augmentation du télétravail qui modifie les structures organisationnelles des entreprises.

Enfin, oui nous retenons que le parcours professionnel doit se déterminer comme un véritable levier pour agir sur l'usure au travail des salariés. »

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