YRT : "Bonjour Éric."
E.P : "Bonjour !"
YRT : "L’Aract Normandie, c’est l’Association régionale pour l’amélioration des conditions de travail, on s’y intéresse en cette journée internationale du droit des femmes. Vous constatez que la crise sanitaire que nous subissons depuis un an a montré un recul de l’égalité Homme-Femme. Comment vous, vous l’avez noté précisément ?"
E.P : "Et bien écoutez, nous nous accompagnons des entreprises sur la mise en place du télétravail et effectivement ce que l’on observe, c’est que les conditions de travail ont pu être dégradées pour les femmes, mais aussi pour les hommes. Il ne s’agit pas du télétravail en tant que tel, c’est surtout la mise en place imposée du télétravail et non préparée, notamment pendant la première période de confinement. En fait, la difficulté qu’ont eue les femmes, pendant cette première période, c’est notamment qu'elles étaient sur des activités qui sont pour certaines non-télétravaillables ou en tout cas qui étaient vues comme non-télétravaillables et puis nous avons beaucoup de femmes qui, si elles avaient des activités pour beaucoup administratives, on peut se dire qu’elles sont plus télétravaillables ces activités-là, sauf que les femmes sont moins équipées que les hommes de matériel mobile. Concrètement sur des tâches administratives elles sont beaucoup avec des ordinateurs fixes, ce qui fait que pendant la première période de confinement aller rapidement faire du télétravail à la maison avec des ordinateurs fixes quand on doit garder une cohésion d’équipe, quand on doit pouvoir travailler en collectif sans avoir le matériel adapté pour faire de la visioconférence, par exemple, cela n’a pas forcément facilité les choses".
YRT : "Par ailleurs pour celles qui voulaient se saisir de l’opportunité du télétravail, elles l’ont fait, mais elles n’avaient pas à prendre quelqu’un pour garder les enfants après l’école ce qui faisait une économie… mais c’était une journée double quoi…"
E.P : "Oui, c’est l’une des difficultés que l’on a vue et notamment avec le premier confinement, c’est que nous n’avions plus accès à tous ces relais que nous pouvions avoir ce qui fait qu’on avait une double journée. Une journée de travail en télétravail et une journée à s’occuper des tâches domestiques. Sachant que nous savons déjà qu’il y a un déséquilibre fort sur les tâches domestiques ça a pu amplifier cette difficulté pour les femmes."
YRT : "Les femmes qui télétravaillent mènent plusieurs choses de front plus que les hommes. La crise sanitaire a amplifié ce phénomène alors qu’il y avait du progrès depuis ces dernières années."
E.P : "Oui, effectivement, cela tendait à se rééquilibrer, même s’il y a toujours un écart entre les 2, mais effectivement cette période de crise sanitaire ne va pas forcément dans le bon sens par rapport à cette problématique-là, même si les hommes en font, heureusement, de plus en plus à la maison, on se rend compte par exemple dans les études réalisées par l’Anact ou bien Ipsos avec le Boston Consulting Group récemment, les femmes se retrouvent dans des situations plus difficiles, notamment par rapport à l’espace de travail. Les hommes ont plus de facilités à avoir un espace propre à la maison alors que les femmes sont plutôt dans des espaces ouverts à devoir gérer les enfants. Cela a vraiment été très marqué pendant la période du premier confinement parce que les enfants devaient rester à la maison et les femmes se retrouvaient plus touchées par ces contraintes."
YRT : "Oui, l’étude Ipsos que vous citez : 1 salarié sur 3, 31% déclarent travailler plus souvent le soir tard ou le week-end en télétravail. 1 salarié sur 2 dit effectuer plus de tâches domestiques. Ces chiffres concernant davantage les femmes que les hommes et on note un sentiment de culpabilité plus fort chez elles que chez les hommes."
E.P : "Oui et on retrouve même un double sentiment de culpabilité par rapport au travail avec le sentiment de ne pas être aussi performant que ce que l’on attend de nous combiné à un sentiment de culpabilité vis-à-vis de la famille puis qu’il y a des attentes générées par la présence des enfants sauf qu’être disponible pour les enfants alors que nous sommes en train de travailler pour le coup cela rend les choses plus difficiles donc c’est une double culpabilité à la fois personnelle et professionnelle."
YRT : "Finalement, la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle est devenue floue suite au télétravail ?"
E.P : "Alors elle des devenue floue, mais pas tant suite au télétravail qu’à la crise sanitaire et justement avec cette mise en place du télétravail qui a été imposée et non préparée avec un télétravail qui se fait à la maison, c’est-à-dire que faire du télétravail à la maison avec les enfants, effectivement, vous parliez de doubles journées de travail. Si on travaille plus tard le soir ou voire plus tôt le matin et aussi le week-end c’est aussi parce qu’on a des tâches ménagères et les enfants à s’occuper la journée (lorsque les enfants étaient confinés avec nous). Alors, oui, c’est une des difficultés qu’il y a eu par rapport à cela. Pour éviter le flou entre la vie professionnelle et la vie personnelle, on peut aujourd’hui s’appuyer sur des tiers-lieux qui accueillent les télétravailleurs dans de bonnes conditions. La région Normandie est d’ailleurs très dynamique à ce sujet et l’Aract est partenaire du Conseil Régional sur le label Tiers-Lieu Normandie pour y intégrer les questions de QVT."